Histoire

Histoire du Tai Ji Quan style Wu/Hao

*A noter avant de lire le texte qui suit:

Le mot Taï Chi Chuan peut aussi s’écrire Tai Ji Quan, nous le publions sous cette dernière orthographe pour respecter le souhait de l’auteur…

 

L’histoire du taiji quan style Wu-Hao est très étroitement liée à celle du taiji quan  en général. En effet, les maîtres des générations successives de ce style contribuèrent de façon prépondérante à l’émergence de la boxe taiji  et la théorisation de ses principes fondamentaux. Les faits historiques retranscrits ci-dessous s’étayent sur des sources manuscrites authentifiées et sont attestés par nombre d’historiens contemporains. Nous écarterons ainsi d’emblée l’idée la plus répandue selon laquelle Zhang Sang Feng serait le créateur légendaire du taiji quan . Si certains documents anciens témoignent de son existence en tant que moine taoïste, les dates de sa biographie restent très incertaines (entre les 14ème et 17ème siècles) et ces documents n’ont jamais fait état de sa pratique supposée des arts martiaux. L’idée qu’il ait pu concourir à la création d’un nouveau courant de boxe provient en réalité d’un récit mythique élaboré durant la première moitié du début du 20ème siècle.

Le premier personnage historique connu et identifié de façon fiable est Wang ZhongYue (1733-1810). Lettré, expert à l’épée et à la lance, il vécut dans la province du ShanXi puis dans les villes de LuoYang et de KaiFeng dans la province limitrophe du Henan. Wang ZhongYue est célèbre pour avoir écrit le Taiji Quan Lun- Traité du Taiji Quan. Dans ce traité très concis, il expose les principes théoriques essentiels qui gouvernent la pratique de cette boxe et l’ utilisation dans le combat des mouvements sans toutefois décrire les mouvements eux-mêmes.  Il y cite également pour la première fois le  taiji quan  en tant que tel. Le Traité du  Taiji Quan ne sortit de la confidentialité qu’à partir du début du 20ème siècle. Il est considéré depuis comme l’oeuvre fondatrice du taiji quan.

Maître Wang Mu Yin (Hao Hinru)

Le seul disciple connu de Wang ZhongYue est Jiang Fa. Ce dernier vécut entre la fin du 18ème et le début du 19ème siècle. Féru d’arts martiaux,  Jiang Fa étudia de nombreuses années avec Wang ZhongYue et sa fille dans le ShanXi. Wang ZhongYue, âgé, avait en effet délégué les démonstrations à sa fille tout en continuant à superviser l’enseignement ( pratique peu orthodoxe pour l’époque!). Jian Fa s’installa ensuite dans le village de ZhaoBao dans la province du Henan. Les archives de ZhaoBao,  pari les plus anciennes et les mieux conservées, placent Jiang Fa comme l’initiateur de la lignée des maîtres du  taiji quan style ZhaoBao (d’où se distingue Chen QingPing de la 7ème génération). La boxe qu’il y enseigna qu’il y enseigna fut nommée  Gu Niang Quan –  boxe de la doyenne eu égard à sa transmission antérieure par la fille de Wang ZhongYue . Jiang Fa est également connu pour avoir enseigné son art à Chen ZhangXing (1771-1853), un maître du village de ChenJiaGou. La boxe pratiquée jusque là par le clan Chen de ChenJiagou était une variante de la forme Paochui de Shaolin, forme dite « externe » et physique. A partir de l’enseignement de de Jiang Fa, Chen ZhangXing modifia sa boxe en lui injectant la souplesse et l’intériorité propres aux principes du Traité du Taiji Quan. Il est considéré aujourd’hui comme un acteur majeur de l’évolution du taiji quan style Chen.

Wu HeQing dit Wu YuXiang (1812-1880) : Natif du comté de YongNian dans la province du Hebei, Wu YuXiang était issu d’une famille aisée où la culture des lettres côtoyait celle des arts martiaux. Lui et ses deux frères, Wu ChengQing et Wu RuQing, furent initiés dès leur plus jeune âge au style Hong de Shaolin par leur père et ils pratiquaient avec passion. Vers la fin des années 1840, les frères Wu rencontrèrent Yang LuChan (1799-1872) qui donnait des cours de boxe dans la droguerie ThaiHeTang, propriété de leur famille. Yang LuChan, réputé pour ses habiletés de combattant, avait fait son apprentissage auprès de Chen ZhangXing au cours de plusieurs séjours à ChenJiaGou. Les frères Wu, riches, pouvaient d’autant plus facilement rémunérer son enseignement que celui-ci était de condition très modeste. Ils apprirent donc sa boxe dite Zhan Mian Quan – boxe cotonneuse liée fainsi que l’épée et la lance. Wu YuXiang établit avec avec Yang LuChan une complicité qui dépassa la seule relation maître-élève et devint tuteur de ses trois enfants Yang Fenhou, Yang BanHou et Yang JianHou. il guida aussi bien leur apprentissage de la lecture et de l’écriture que l’apprentissage de la boxe de leur père. Alors que Wu ChengQing et Wu RuQing accédèrent au grade de haut fonctionnaire du département de la justice, Wu YuXiang renonça à une carrière officielle et, aidé par sa condition socio-économique privilégiée, consacra tout son temps à l’étude des arts martiaux. En 1852, ayant fait de grands progrès et désireux d’aller au delà de ce que pouvait lui transmettre Yang LuChan, il partit au village de ChenJiaGou à la rencontre du maître de celui-ci, Chen ZhangXing. Juste avant d’arriver à destination, il fit une halte au village voisin de ZhaoBao et y apprit que Chen ZhangXing, vieux et malade, n’enseignait plus. On lui recommanda alors un maître local, Chen QingPing auprès de qui il resta étudier 40 jours. On rapporte que ces 40 jours lui furent suffisants pour appréhender les subtilités de la boxe de Chen QingPing! De retour à YongNian, Wu YuXiang eut la chance de se faire remettre par son frère Wu ChengQing, le traité encore inédit de Wang ZhongYue. Ce traité fut découvert « dans un dépôt de sel » puis remis à Wu ChengQing par l’un de ses subordonnés(sous la dynastie Qing comme sous les précédentes , l’Etat contrôlait le commerce du sel qui était une source importante de revenus). Dès lors, Wu YuXiang entreprit un travail de longue haleine pour synthétiser les boxes apprises auprès de Yang LuChan et Chen QingPing et pour leur associer les principes du Traité du Taiji Quan. il s’efforça également à chaque étape d’en éprouver l’assimilation correcte lors de joutes martiales répétées. Ce travail lui permit d’atteindre un niveau de réalisation exceptionnel et l’amena à élaborer son propre style de boxe, concis et profond, aux postures hautes et aux mouvements circulaires et compacts. Il qualifia sa boxe de Taiji Quan et fut ainsi le premier à emprunter ce terme au Traité du  Taiji Quan(Plus tard, ce terme sera aussi repris par la famille Yang pour désigner leur propre style. La famille Yang jouera un rôle important dans la démocratisation et la diffusion de la pratique du Taiji Quan au 20ème siècle). Enfin, Wu YuXiang rédigea plusieurs manuscrits de première importance sur la pratique et la théorie du Taiji Quan.

Son neveu et principal disciple Li Yi Yu (1832-1892) étudia avec lui dès 1853. Il s’engagea totalement dans la pratique, participa activement au travail de recherche et d’élaboration de son oncle et obtint une compréhension complète du style Wu Shi Taiji Quan – Taiji Quan Style Wu. Il eut un rôle majeur dans l’histoire du Taiji Quan en compilant le traité de Wang ZhongYue, les écrits de son oncle et ses propres écrits dans les Lao San Ben – Trois vieux manuscrits en 1880. Ces manuscrits constituent les documents les plus authentiques disponibles aujourd’hui sur le Taiji Quan et sont considérés comme Taiji Quan Pu – Classiques du Tai Ji Quan.

Li Yi Yu transmit son art à Hao WeiZhen (1849-1920), également natif de YongNian, qui lui resta fidèle jusqu’à sa mort. Hao WeiZhen, ayant acquis une parfaite maîtrise du style, fut désigné comme héritier du Taiji Quan style Wu. Sa réputation grandissante et l’ouverture de son enseignement à des personnes extérieures au clan favorisèrent la diffusion du  style Wu à travers toute la Chine. En 1914, Il  commence à enseigner à Sun LuTang, maître d’arts martiaux célèbre, reconnu pour sa bravoure et ses solides compétences dans l’art du Xing Yi Quan et du Ba Gua Zhang. En combinant les styles qu’il avait créés jusque là, Sun LuTang créa le Taiji Quan style Sun dont les emprunts au style Hao sont évidents.

A partir de Hao WeiZhen, les secrets du style Wu furent transmis exclusivement dans la famille Hao. Le Taiji Quan style Wu prit alors le nom de Hao Sui Taiji Quan –  Taiji Quan style Hao . Le second fils de Hao WeiZhen, Hao YueRu (1877-1935) s’appliqua à faire évoluer l’enchaînement pour rendre son exécution plus accessible: Il retira les coups de pied sautés, la vélocité des coups de pied fouettés, les Fa Jing – sorties de force et le fixa à 96 mouvements. Il définit également un des principes essentiels du style Hao à savoir la distinction des 4 phases successives (Qi, Cheng, Kai, He) du déroulement de chaque mouvement.

En 1963, son fils Hao ShaoRu (1907-1983) fut le premier à publier un livre qui retrace l’histoire du style Wu, l’illustre et le décrit. Le nom de Wu  refit à cette occasion son apparition et cohabite depuis avec le nom Hao* . La version de ce livre fut actualisée par son successeur et « fils adoptif » Hao YinRu en 1992.

 

Wang MuYin (1958) du nom de poing Hao YinRu, est le 5ème successeur du style Wu/Hao. Résidant à Shanghai, il s’attache à poursuivre l’oeuvre de ses aînés avec dévouement et intégrité. Retraité et membre de l’association de taiji quan du Hunan depuis peu, il se rend tous les mois dans la ville de ChangCha pour diffuser son enseignement resté jusque là très confidentiel. Son représentant en France est Jung YungHwan.

 Jung Yung Hwan (1950) a, grâce à un  long et riche parcours de pratiques martiales, de recherches historiques et théoriques, appréhendé et intégré les principes essentiels du taiji quan . Il a approfondi l’étude des principaux styles auprès des héritiers directs des fondateurs :Etude du style Wu/Hao auprès de Ha o YinRu ; Etude du style Chen auprès de Feng ZhiQiang (disciple de Chen Fake) ; Etude du style Yang auprès de Fu ZhongWen (disciple de Yang ChengFu).

Les maîtres successifs du style Wu-Hao oeuvrèrent constamment à enrichir et affiner la pratique et la théorie du taiji quan et laissèrent des manuscrits remarquables de cohérence considérés  comme des trésors  des arts martiaux chinois. Et c’est en grande partie grâce à la famille Hao que ce style a pu se transmettre jusqu’à aujourd’hui, maintenir son excellence et être reconnu comme un style majeur de taiji quan,  aux côtés des styles Yang, Chen, Wu (de Wu JianQuan) et Sun.

(*La forme enrichie et promue par la famille Hao est la plus répandue actuellement. On note cependant qu’il existe un courant annexe, le style Li (en référence à Li YiYu) qui conserve des caractéristiques de la forme initiale de Wu Yuxiang).

Texte écrit par Yoann Lambropoulos, disciple de maître Jung Yung Hwan.

« Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas. »

Lao Tseu